Matières : Contrat
Mots clés : Interprétation du Contrat – juge de fond – interdiction de dénaturation
La cour de cassation leur interdit la dénaturation des clauses précises d’un contrat en méconnaissant la volonté réelle des parties.
Cassation : Ordinaire
Nature : Civile
Solution : Cassation
ARRET N°186 du 24 avril 2018
Dossier n°63/07-CO
INTERPRÉTATION DU CONTRAT – JUGE DE FOND – INTERDICTION DE DÉNATURATION
« La cour de cassation leur interdit la dénaturation des clauses précises d’un contrat en méconnaissant la volonté réelle des parties. »
R.W.H.
C/
R.S.
REPUBLIQUE DE MADAGASCAR
AU NOM DU PEUPLE MALAGASY
La Cour de Cassation, Chambre Civile Commerciale Sociale en son audience publique ordinaire du mardi vingt-quatre avril deux mille dix-huit, tenue au Palais de Justice à Anosy, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
LA COUR
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur le pourvoi de R.W.H., domicilié au [adresse], ayant pour conseil Maître Allain RAJOELINA, avocat au Barreau de Madagascar, contre l ' arrêt no 925 rendu le 19 juillet 2006, par la Chambre Civile de la Cour d’Appel d'Antananarivo dans le différend l'opposant à R.S. ;
Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
Sur la première branche du deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 26 de la loi organique 2004.036 du Ier octobre 2004 relative à l’organisation, aux attributions, au fonctionnement et à la procédure applicable devant la Cour Suprême et les trois Cours la composant, et 1583 du Code Civil, violation de la loi, fausse application ou fausse interprétation de la loi, dénaturation, en ce que l'arrêt attaqué a modifié la nature même du contrat de vente à réméré en un contrat de prêt assorti d' une clause dite « TSATOKA » pour pouvoir l'annuler, alors qu’à aucun moment de la procédure il n'a été débattu par les parties ni de la nature du contrat ni de son contenu ,
Attendu que contrairement aux allégations du moyen, la nullité absolue de la vente à réméré a été soulevée par la défenderesse dans ses conclusions d’instance du 14 mars 2001 qu’il s’en suit que cette branche du moyen manque en fait et ne peut qu’être inopérante,
Mais sur le premier moyen de cassation et la deuxième branche du deuxième moyen de cassation réunis pris de la violation des articles 26 de la loi organique 2004.036 du Ier 2004 relative à l' organisation, aux attributions, au fonctionnement et la procédure applicable devant la Cour Suprême et les trois Cours la composant, 123 de la loi sur la Théorie Générale des Obligations et 1583 du Code Civil, violation de la loi, fausse application ou fausse interprétation de la loi, dénaturation, en ce que l ' arrêt attaqué a modifié la nature même du contrat de vente à réméré en un contrat de prêt assorti d' une clause dite « TSATOKA » pour pouvoir l ' annuler, alors que la loi dispose clairement que le contrat légalement formé est la loi des parties et ne peut être modifié que par leur consentement réciproque ; que le contre de vente à réméré a réuni toutes les conditions requises par la loi ; en ce que l' arrêt attaqué a déclaré nul et de nul effet l' acte de vente du 3 juin 1994 en basant sa décision sur la prolongation soit disant illégale du délai de remboursement du prêt, alors que la loi prévoit expressément que le seul consentement des parties suffit pour établir la valeur juridique du contrat, et le mode de paiement du prix n’est pas une formalité substantielle pour la validité du contrat (deuxième branche du deuxième moyen) ;
Vu les textes de loi visés aux moyens ;
Attendu que les deux moyens réunis reprochent à l’arrêt attaqué la violation de la théorie dite de l’autonomie de la volonté, dont les conséquences sont d’une part, la liberté contractuelle qui signifie que l’accord des volontés est la condition nécessaire et suffisante pour la formation du contrat, et d’autre part, le respect de la volonté des parties qui implique une stricte observance par les contractants du contenu de leur accord, le contrat légalement formé étant la loi des parties ;
Attendu qu’aux motifs de sa décision, l’arrêt attaqué énonce que « l’acte de vente du 3 juin 1994, dit à réméré, présente un caractère hybride dans la mesure où le délai de six ans convenu diffère des cinq ans prévus par l ' article 1660 du Code Civil duquel emprunte le système, alors que le juge lui-même n’a pas la faculté de prolonger le délai ....
Que le caractère hybride de cette vente, d ' une part, d’apparence à réméré, d’autre part à fond de prêt à usure, assorti de trois conditions : termes illégaux, intérêts et prolongation, fait dégénérer le contrat en « clause TSATOKA », laquelle est interdite,
Attendu que l’article 123 alinéa 2 de la loi sur la Théorie Générale des Obligations dispose que les parties doivent exécuter la convention de bonne foi dans le sens qu’elles ont entendu lui donner ; que l’article 125 dit que la commune intention des parties détermine leurs engagements réciproques ;
Attendu que l’interprétation des contrats appartient aux juges du fond, la Cour de Cassation doit interdire aux juges du fond de dénaturer ou d'altérer les clauses précises d’un contrat en méconnaissant la volonté réelle des parties, en l’occurrence énoncée dans le contrat de vente à réméré du 3 juin 1994 (cf dossier d' instance) que les juges du fond ne peuvent pas appliquer la loi à titre supplétif, car ce faisant ils retombent dans le domaine du contrôle de la Cour de Cassation de la qualification donnée par le juge au contrat ;
Que la Cour de Cassation, qui juge non les dossiers mais les arrêts, peut ainsi procéder, par-delà les motifs de ceux-ci, l' examen direct de la pièce dénaturée, pour vérifier sa clarté et son incompatibilité avec le sens que le juge du fond lui a prêté , que le grief de dénaturation apparaît par la contradiction entre l' arrêt lui-même qui parle de contrat de prêt avec une « clause TSATOKA », et l' acte de vente à réméré qui lui est étrangère ; que le juge du fond s' est arrogé un pouvoir d' interprétation qu' il n’avait pas, en présence d' un acte clair et précis ;
Attendu que le grief de dénaturation est ainsi fondé, qu’il y a lieu à cassation ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, l’arrêt no 925 rendu le 19 juillet 2006 rendu par la Chambre Civile de la Cour d’Appel d’Antananarivo ;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction, autrement composée ;
Ordonne la restitution de l’amende de cassation ;
Condamne la défenderesse à l’amende et aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé par Cour, Chambre les jour, mois et an que dessus.
Où étaient présents
Messieurs et Mesdames
La minute du présent arrêt a été signée par le Président, le Rapporteur el le Greffier.